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Arash Derambarsh, l’« hyperactiviste » contre le gaspillage
alimentaire
« Je
ne cherche pas la personnalisation. Je fais ça pour ceux qui ont faim. »
A
seulement 35 ans, les yeux emplis de conviction, les traits tirés par des nuits
trop courtes, Arash Derambarsh fait preuve d’un sens aigu de la communication
au service de sa cause : la fin du gaspillage alimentaire. Et pour lui, la faim
justifie les moyens. Alors qu’un amendement allant dans ce sens a été déposé
par la sénatrice (UDI, Orne) Nathalie Goulet dans le cadre du projet de loi
Macron qui sera discuté mardi 7 avril, son omniprésence médiatique fait grincer
quelques dents, notamment dans les associations antigaspillage qui ne partagent
ni ses méthodes ni les solutions qu’il propose.
Le
conseiller municipal de Courbevoie (Hauts-de-Seine) espère être reçu à l’Elysée
afin, dit-il, de « convaincre » le président de la République, François
Hollande, de la nécessité de légiférer sur la question. Il souhaite instaurer
un droit opposable qui permettrait à tout citoyen de créer une association pour
ensuite s’adresser au supermarché de son choix, afin que celui-ci lui remette
les invendus pour une distribution le soir-même.
Le
Courbevoisien sait attirer les projecteurs. « J’ai fait un putsch médiatique,
c’est vrai, mais je veux qu’on parle de mon combat plutôt qu’on s’attarde sur
moi. Je ne me présenterai à aucune élection avant les municipales de 2020 pour
prouver ma sincérité », affirme ce proche de Thierry Solère, député UMP des
Hauts-de-Seine. Le regard caché derrière ses lunettes carrées, Arash Derambarsh
se décrit comme un « homme d’action », à la différence de « certains politiques
». Il a donc attendu d’être élu aux municipales de mars 2014, sous l’étiquette
divers droite, pour agir.
« Je
suis fier de mon parcours »
Né en
1979 à Paris de parents iraniens ayant fui la révolution islamique, il part en
Iran quelques mois après sa naissance et y vit jusqu’en 1983. « J’ai vu
beaucoup de choses là-bas, donc je sais pour quoi je me bats aujourd’hui »,
témoigne l’élu, qui refuse la double nationalité – « Je suis de culture
franco-persane et de nationalité française ». Son père, le réalisateur iranien
Kioumars Derambarsh, et son oncle Kambiz Derambarsh, un caricaturiste renommé,
vont donner au jeune homme l’amour de la politique et du « combat contre
l’injustice ». Une lutte qu’il mène sur plusieurs fronts : en tant qu’élu,
futur avocat pénaliste – il présentera sa thèse dans quelques mois – et éditeur
au Cherche-Midi.
« Je suis fier de mon parcours. Maintenant j’ai réussi, mais
j’ai connu la faim et je sais qu’il est impossible de travailler ou de se
concentrer lorsque notre ventre est vide », confie-t-il.
Un
constat qui l’amène, en décembre 2014, à récupérer les invendus de la journée
dans un supermarché de sa ville, avec l’aide de bénévoles, afin de les
redistribuer aux plus démunis. Arash Derambarsh et ses amis répèteront
l’opération trois fois par semaine durant deux mois. « Chaque soir, on
distribuait l’équivalent de 500 euros de nourriture mais c’est illégal, d’où
l’idée de proposer une loi », poursuit l’élu.
Lire
aussi : La fin du gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces ?
Après
avoir mis en pratique son idée pour lutter contre le gaspillage alimentaire sur
le terrain de Courbevoie, Arash Derambarsh décide de faire du bruit. Il lance
une pétition en janvier avec son « ami », l’acteur et réalisateur Mathieu
Kassovitz. Alors qu’entre 20 et 40 kilos d’invendus sont jetés quotidiennement
par chaque magasin, le but de l’opération est simple : atteindre les 200 000
signatures afin de pousser les députés à adopter une loi contre le gâchis
alimentaire.
Aujourd’hui, plus de 175 000 personnes ont signé la pétition et
les choses semblent bouger dans le bon sens. L’élu municipal a lancé une vidéo
avec de nombreuses personnalités, dont le présentateur Antoine de Caunes et le
footballeur Youri Djorkaeff. L’association lancée par le chanteur Bono, One,
lui a également assuré son aide et présentera des propositions devant les
Nations unies en septembre.
« Il y
aura une loi avant l’été »
Arash
Derambarsh se targue du soutien d’une quarantaine d’élus, dont les députés
Xavier Bertrand (UMP, Aisne), Jean-Christophe Lagarde (UDI, Seine-Saint-Denis)
ou Guillaume Garot (PS, Mayenne). Ce dernier, ancien ministre délégué à
l’agroalimentaire, qui doit rendre un rapport au premier ministre, Manuel
Valls, dans les prochaines semaines, a effectivement signé la pétition. Dans un
commentaire qu’il y a joint, il s’engage à proposer une loi « écrite avec des
élus de tous bords, tirant les leçons des multiples initiatives locales menées
partout en France ».
Toutefois,
le député socialiste ne partage pas les solutions proposées par Arash
Derambarsh : « Il n’est pas le seul à proposer cela. Il est très présent dans
les médias mais il ne s’y intéresse que depuis quelques mois ».
Guillaume Garot
ne croit pas à l’obligation du don qui provoquera des problèmes de stockage des
aliments, et privilégie le levier de la défiscalisation. « Il y aura une loi
avant l’été. Nous lui proposons une loi clé en main soutenue par une grande
partie de la population, rétorque le Courbevoisien. Quant aux problèmes de logistique
pour stocker les aliments, il y aura une entente avec les Restos du cœur ou
d’autres pour utiliser leurs hangars. » Mais ces associations ont peur d’un
afflux de marchandises qu’elles ne pourraient gérer.
Yohan Blavignat (Le Monde)
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