RFI - Le défi d'Arash Derambarsh contre le gaspillage alimentaire
Arash Derambarsh lors d'une maraude à Courbevoie en décembre dernier.
Arash Derambarsh
Obliger les supermarchés à
redistribuer leurs invendus, tel est le combat mené par un jeune élu de
Courbevoie, en banlieue parisienne. Arash Derambarsh, débordant
d’enthousiasme, a bien l’intention que cette lutte aboutisse à une loi,
ce qui serait une première en France. Ambitieux et décidé, il projette
même de l’étendre par la suite au continent africain. Un défi de longue
haleine que le jeune élu entend mener jusqu’au bout.
« Les Courbevoisiens m’ont
demandé d’agir sur la vie concrète des gens, de ne pas faire de baratin
ou de blabla comme beaucoup d’élus ». Les bases sont posées. A 35
ans seulement, il a tout du politicien. Arash Derambarsh raconte son
combat pour la énième fois. Les médias sont déjà nombreux à s’être
emparés de son histoire et le conseiller municipal gère avec tact sa
popularité croissante. Le discours est maîtrisé, sans ambages, les mots
sont pesés. « L’idée est venue d’un vécu, raconte le jeune homme. J’ai connu la faim lorsque j’étais étudiant et que je ne gagnais que 700 euros par mois. »
Aujourd’hui, il s’insurge que le 10 de chaque mois, la classe moyenne
se serre la ceinture et que les SDF soient de plus en plus nombreux
dans l’Hexagone. Face à cette alarmante situation, Arash Derambarsh, «
élu de la République », comme il aime à le répéter, veut apaiser les
souffrances de ses concitoyens par une manière simple : stopper le
gaspillage alimentaire. Chiffres à l’appui, il poursuit sa
démonstration, expliquant que chaque jour, ce sont entre 20 et 40 kilos
d’invendus qui sont jetés dans chaque supermarché, une « aberration ». Au niveau planétaire, un tiers de la production mondiale de nourriture est gâchée…
Alors, l'homme est passé à l’action en fin d’année dernière. Le
terrain, quoi de mieux pour un élu ! A la fermeture d’un supermarché de
sa ville, accompagné d’amis et de citoyens de Courbevoie, Arash
Derambarsh récupère les invendus de la journée et les distribue aux plus
démunis de sa ville qui jouxte le quartier d’affaires de La Défense à
l’ouest de Paris. « Chaque soir, on distribuait l’équivalent de 500 euros de nourriture ». Les médias aidant, l’action du Courbevoisien a eu un écho retentissant. « Comme ce qu’on faisait n’était pas légal, et bien on demandait une loi », poursuit l'élu.
Ainsi, en janvier dernier, il lance une pétition avec
son « ami », l’acteur et réalisateur Mathieu Kassovitz pour qu’une loi
imposant, ou incitant aux supermarchés de donner, soir après soir, tous
leurs invendus à l'association de leur choix, soit votée. Techniquement,
ce que propose Arash Derambarsh, c’est donc que chaque citoyen puisse
créer une association pour ensuite s'adresser à l'enseigne de son choix
dans sa commune, afin que celle ci lui remette les invendus pour une
distribution le soir même. Aujourd’hui, plus de 170 000 personnes ont
déjà signé la pétition, un réel succès pour celui dont le discours est
rodé et efficace. Car écouter Arash Derambarsh, c’est être confronté à
un exercice journalistique peu commun tant le protagoniste contrôle la
situation et écarte d’un revers de main toute forme de critique ou « parasitage ».
Des soutiens de poids
Plus de quarante parlementaires et élus de toutes couleurs politiques
soutiennent désormais l’initiative d’Arash Derambarsh, dont des
soutiens de poids. Des stars du show-biz sont aussi aux côtés du jeune
homme qui semble avoir un réseau plus qu’impressionnant... Laetitia et
Johnny Halliday, Omar Sy, etc., la liste est longue. Récemment, c’est ONE-France, l'organisation cofondée par Bono, chanteur du groupe U2, qui a apporté son soutien à l’action de l’élu.
Le 7 avril, le Courbevoisien va « convaincre » l'Élysée du bien-fondé
de son initiative, accompagné d'une délégation de 15 personnes dont
Frédéric Daerden, qui a mis en place un système quasi-similaire et qui a
fait ses preuves à Herstal, en Belgique. Suite à cette pétition, le
député Guillaume Garot a pris l’engagement de légiférer contre le gâchis
alimentaire. « Député, je ferai, avant la mi-avril, des
propositions concrètes au gouvernement, pour mettre en œuvre dans notre
pays une politique cohérente contre le gaspillage alimentaire, qui
permette de faciliter le don et plus largement d’éviter le gaspillage.
C’est dans ce cadre que sera traité le problème des invendus de la
grande distribution. Je proposerai dans la foulée, une loi, écrite avec
des élus de tous bords politiques, tirant les leçons des multiples
initiatives locales menées partout en France ». « Il y aura une loi avant l’été sur le gâchis alimentaire », s’enorgueillit de son côté Arash Derambarsh, plus que jamais sûr de lui et qui semble ignorer l’existence du mot « douter ».
Rien ne l'arrête, ni certaines associations qui ne considèrent pas
nécessairement cette initiative d’un bon œil, craignant des mesures
coercitives, ni même le poids des lobbys industriels. « Je suis un
élu français, les pressions ne me préoccupent pas. Rien ne peut et ne
pourra m’influencer. Rien. Toutes ces forces obscures des lobbys, je les
combattrai ». Alors fait-il cela par pur humanisme et par pur
altruisme ? Il semblerait que oui, puisque l’élu, imperturbable, ne
prétend avoir aucune visée électorale avant 2020… « Tout ceci, pour
moi, est un objectif d’intérêt général. Rien de plus. Je suis là pour
apporter des réponses à un problème. Je suis dans l’action, je ne suis
pas un idéaliste ».
Une utopie ?
Arash Derambarsh, fort de sa victoire qu’il estime certaine, ne veut
pas se cantonner à combattre le gâchis alimentaire en France. En fin
politicien, il entend ainsi s’attaquer au continent africain… là où
sévit aussi un gaspillage alimentaire d’une toute autre teneur. La cause
est noble et belle, mais elle paraît utopiste. Sauf pour le jeune élu,
irrité par le mot. « Nous faisons une action locale, dit-il, mais la pensée est globale ». Doctrine du village planétaire à l’appui, l’élu de Courbevoie, volontiers séducteur, analyse : « La
grande pauvreté, elle est en Afrique. Et le gâchis, il est aussi dans
les supermarchés du continent noir. Et là-bas, avec dix fois moins on
peut se nourrir dix fois plus. On veut taper très fort ».
Arash Derambarsh, peut-être un brin naïf, est persuadé que son action dans l’Hexagone va faire effet boule de neige. « Je
veux prendre le calendrier international à témoin et dire que ce que
nous voulons faire en France, en Belgique, nous le ferons ensuite dans
l’Union européenne puis à l’international ». Et d’expliquer qu’en
octobre et en novembre prochains, ce sera à la table des Nations unies
par le biais de One-France. La lutte contre le gaspillage fait en effet
partie des 17 Objectifs de développement durable (ODD) devant être adoptés en septembre à l’ONU. Quand
on sait que la quantité de nourriture jetée par l’ensemble des
producteurs, distributeurs et consommateurs des pays dits « riches »
pourrait nourrir sept fois la population souffrant de la faim dans le
monde, la cause vaut plus que jamais la peine d’être défendue.
Altermondialiste ou sauveur de l’humanité dans l’âme, Arash
Derambarsh veut que sa génération, celle des trentenaires, se rende
compte que si rien n’est fait, l’humanité court à sa perte. « Quand les gens ont faim ou ont soif, en France ou n’importe où sur la planète, ca provoque des guerres ». Et l’élu de justifier que son discours est sensé : « Notre pétition a été signée dans bien d’autres pays que la France. J’ai reçu des mails de soutien du monde entier ».
Et Arash Derambarsh de poursuivre son discours tout en serrant les
mains de ses concitoyens de Courbevoie. Si l'initiative d’Arash
Derambarsh ne fait pas l'unanimité, sa cause n'en demeure pas moins une
réponse encourageante face à l'immensité du problème de la malnutrition,
qui concerne un milliard d'hommes dans le monde.
Arash Derambarsh et son équipe à Courbevoie
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